Alors que Google a annoncé sa réorganisation en plein cœur de l’été en laissant notamment plus d’autonomie à Nest, son bras armé dans la maison connectée, la firme de Moutain View en a profité pour faire une nouvelle incursion dans le hardware avec son routeur/hub qui viendra compléter son écosystème autour des objets connectés. Un peu plus tôt, son rival Apple présentait les premiers produits compatibles avec son écosystème domotique Homekit et le géant de l’électronique Coréen, Samsung annonçait fin août un nouveau hub pour la rentrée. La fin d’année 2015 s’annonce donc mouvementée du côté du marché de la maison connectée, segment très disputé de l’internet des objets.
Quelle stratégie pour Google et Nest autour de la Smarthome ?
Après un premier semestre 2015 très riche avec le lancement des nouveaux produits de la gamme Nest[1], la diffusion du protocole de communication pour les objets connectés « Thread » à la fin du mois de juillet[2], ou une nouvelle collaboration avec la ZigBee alliance, la branche domotique de Google est désormais face à de nouveaux défis. Nest s’autonomise au sein d’Alphabet, incarnant l’ensemble de l’offre domotique et objets connectés du groupe sans que l’on sache pour l’instant comment s’organiseront les synergies et la collaboration avec les autres équipes responsables du nouveau routeur OnHub, de Brillo, l’OS dédié aux objets connectés ou de Weave, le protocole de communication qui se veut agnostique et donc indépendant de Brillo, tous attendus au deuxième semestre 2015. Ces trois projets ne sont pas placés pour l’instant sous la direction de Tony Fadell[3], et vivent indépendamment de l’écosystème Nest (où le thermostat sert déjà de Hub) même si l’on sait que les équipes de Nest et Google ont travaillé ensemble à leur développement. La filiale domotique est sans nul doute essentielle dans la stratégie d’Alphabet sur ce segment de marché, mais son rôle précis reste encore à définir.
Car Brillo, Weave et OnHub ont ensemble un fonctionnement cohérent. L’enjeu autour du nouveau routeur n’est pas tant de dégager de nouveaux revenus sur la vente du matériel que de s’imposer dans les foyers pour convaincre les autres fabricants (routeurs concurrents et constructeurs d’objets connectés) d’intégrer Brillo dans leurs produits. En ce qui concerne Weave, présenté comme une révolution lors de la conférence I/O de Google, il permettra, via un ensemble d’API et de schémas de communication, d’assurer la compatibilité entre les objets et les applications externes (via le Cloud). C’est une surcouche qui fonctionne au-dessus des protocoles de communication comme le ZigBee, Bluetooth, Wifi. On retrouve donc là la volonté de Google de standardiser l’IoT avec un langage universel qui se situe sur la couche supérieur des protocoles de communication (à l’image d’Apple avec Homekit) et un OS propriétaire mais ouvert.
Présentation du nouveau produit Google OnHUB
Le principe du routeur OnHUB (commercialisé prochainement avec un prix de vente relativement élevé de 199$) est d’offrir à la fois une fonction de routeur Internet qui permet de gérer et prioriser les connexions et une fonction de Hub avec un appareil centralisant les différents éléments domotiques. Le pilotage s’effectuera directement depuis le smartphone (application Google ON disponible sur iOS et Android), et l’utilisateur pourra paramétrer et configurer les objets connectés jusqu’à un total de 128 appareils. OnHub se positionne donc comme un hub tout-en-un, qui dépasse le concept habituel du routeur/hub mono-usage.
Google a mis l’accent sur un design propre et soigné, avec un objet qui se fond dans le décor et qui ne ressemble en rien aux autres routeurs disponible sur le marché. En termes de technologies, OnHub acceptera à terme[4] l’ensemble des principaux protocoles de communications (excepté le Z-Wave) : les périphériques, qu’ils fonctionnent en Bluetooth Smart Ready (Bluetooth 4.0), en Weave, en Wifi (802.11a/b/g/n/ac) ou ZigBee et Thread (802.15.4) seront donc compatibles. Un total de 13 antennes fourniront un débit maximum de 1900Mbps. Pour compléter le tout, OnHub intègre une mémoire flash de 4 Go, un haut-parleur 3W (mais pas de microphone), un port USB 3.0, ainsi qu’un anneau LED coloré permettant d’avoir des informations sur l’état du OnHub. Le haut-parleur servira notamment à appairer un smartphone de manière sécurisé, via l’émission d’une tonalité spéciale qui permettra l’association entre les deux appareils. Le routeur a été créé par Google en collaboration avec TP-Link, un constructeur de produits réseau Chinois et Google a d’ores et déjà annoncé de nouveaux dispositifs compatibles qui seront mis au point avec d’autres partenaires de matériel, dont ASUS.
Bien qu’Apple fût l’un des premiers à se positionner sur ce segment de marché, ce dernier a pris un peu de retard sur ces principaux concurrents. En effet, un an après l’annonce de Homekit (la brique logicielle d’Apple pour connecter les objets domotiques dans une maison),seules quelques sociétés ont conçus des produits compatibles[5] (on est loin des 180 millions annoncés pour 2020)[6]. Le problème viendrait notamment des normes de sécurité trop élevées pour les développeurs. De fait, pour qu’un périphérique puisse être référencé par Apple dans son programme Homekit, il faut qu’il soit certifié MFi (Made for IPhone/IPod/IPad) avec notamment une puce certifiée par Apple.Cependant de nouveaux produits partenaires devraient être annoncés prochainement, notamment les produits Withings et Netatmo. Les choses pourraient donc s’accélérer pour Apple notamment grâce au lancement de la nouvelle box Apple TV qui pourrait devenir le maillon central de Homekit qui mettra en relation les objets connectés de la maison avec les appareils sous iOS. L’Apple TV servirait alors de hub contrôlable par la voix (Siri) pour tous les utilisateurs d’Apple.
Racheté 200 millions de dollars il y a un an par Samsung, SmartThings a permis au géant coréen de devenir un des acteurs les plus matures et les plus stables du marché. La plateforme bénéficie d’une communauté de développeurs très active (écosystème ouvert aux tiers) et supporte un grand nombre d’appareils. Dans un communiqué, l’équipe de SmartThings précise qu’en plus du hub, une nouvelle ligne de produits Samsung SmartThings devrait arriver dans les prochaines semaines. La société a également révélé la compatibilité avec Amazon Echo, l’assistant vocal d’Amazon[7], ce qui permettra de commander l’écosystème domotique directement par la voix en s’adressant à Alexa. En termes d’expérience utilisateur, cette collaboration offrira une solution intéressante.
Amazon a déjà un pied dans la Smarthome grâce à son assistant vocal cylindrique « Echo » (Siri-like) et a clairement montré son envie de faire naître un véritable écosystème en ouvrant son SDK aux développeurs tiers et aux fabricants. Ces derniers pourront utiliser gratuitement la plateforme cloud Alexa Voice Service dans leurs produits. De manière complémentaire, Amazon a également créé un fonds de 100 millions de dollars pour financer les développeurs, les constructeurs et les start-ups qui lanceront des projets basés sur Alexa.
Cette tentative de constitution d’un écosystème Amazon dans la maison tend systématiquement à trouver de nouvelles interfaces et de nouveaux points d’entrée vers la plate-forme de commerce électronique du groupe. Echo permet ainsi de constituer oralement des listes d’achat et, pour les abonnés à l’offre Prime de commander directement. Il en va de même pour le prochain projet en cours de développement au sein du laboratoire R&D (le Lab126), un ordinateur de cuisine haut de gamme appelé « Kabinet ». En plus d’un rôle de hub pour la maison connectée, ce nouveau produit devrait également être capable de prendre en compte les commandes vocales des utilisateurs. Mieux, le projet DRS pour Dash Replenishment Service vise à convaincre un nombre croissant de constructeurs d’électroménager d’intégrer très simplement (« dix lignes de codes») un bouton connecté Dash à leurs équipements pour offrir de nouveaux services aux utilisateurs à commencer par la commande automatique des consommables, référencés sur Amazon[8].
La coexistence de ces différents écosystèmes, auxquels il convient d’ajouter les nouvelles offres domotiques des opérateurs qui ont l’avantage d’avoir déjà installé leurs Box dans les foyers connectés, porte en elle un risque évident de fragmentation du marché qui risque de freiner son décollage. Sans oublier que la standardisation des protocoles n’est pas encore fixée avec une âpre bataille entre différents consortiums comme l’Allseen Alliance, fondée par Qualcomm[9] et soutenue notamment par LG et Microsoft (protocole Alljoyn) ou l’Open Internet Consortium, soutenu par Samsung et Intel qui promeut sa propre solution IoTivity pour répondre aux mêmes objectifs.
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[1] 17 juin : premières sorties de produits depuis le rachat Nest (qui depuis son rachat par Google, a racheté Dropcam et Revolv)
[2] Initié par Nest mais standard pour l’industrie et soutenu également Samsung, Somfy, ARM, etc.
[3] PDG de Nest et concepteur de l’IPod
[4] Tout n’est pas activé pour le moment, des mises à jour seront effectuées plus tard
[5] Ecobee (Thermosat), Elgato (gamme d’accessoires), iHOME (prise intelligente), Ultron (luminaire), Insteon (box domotique), Honeywell, Schlage, Philips, MyQ.
[6] http://nextmarket.co/blogs/news-1/30515905-homekit-compatible-device-shipments-to-reach-180-million-by-2020
[7] https://vimeo.com/136672350
[8] https://www.amazon.com/oc/dash-replenishment-service
[9] qui fait également partie depuis peu du consortium Thread